Pan! Le coup est parti! Dans la tête ou Droit au coeur!
Vous voici donc sommé de répondre immédiatement à une question brûlante!
Vous avez un téléphone? Impact sonore, vous venez de recevoir la sommation par coup de fil!
Vous disposez d'un ordinateur? Impact visuel, tous les voyants clignotent pour vous le signifier!
Vous participez à une réunion? Double impact, la requête est tombée et l'on vous regarde fixement!
Vous êtes en face à face, dans un couloir ou un bureau ouaté? Risque de triple impact: touché-coulé?
Bref, on vous soumet à la question!
On, c'est un collègue, votre patron, un client, un fournisseur.. Et cet autre vous questionne!
Que faire? Avant de se plonger dans l'analyse, faisons une pause, pour un round d'observation.
Avez-vous déjà observé finement la scène.. en réunion?
Vous êtes vous déjà imaginés à leur place? Leur prêtez-vous des intentions?
Avez-vous déjà tenté de déchiffrer leur comportement? Et selon quel prisme?
Comment réagissez vous, vous-même, lorsque les questions ne vous sont pas adressées?
Et quel type de collègue êtes-vous? Et comment posez-vous, vous-même, vos propres questions?
Quoi que vous répondiez à ces questions (c'est à mon tour..),
Allez-y, n'hésite pas, vous verrez, c'est un jeu, et qu'un jeu, dont on ne se lasse pas!
Voyez vous, d'abord..
La position de vos pieds, de vos jambes, de vos bras, de vos mains, de votre tête, de votre bouche,
Ressentez-vous une certaine chaleur ou un certain froid, êtes-vous simplement à votre aise,
Vous sentez-vous attaqué, piégé, surpris, trompé par cette question,
Pensez-vous que la réponse que vous pourriez apporter sera de nature à vous mettre en valeur,
Connaissez-vous déjà la teneur de votre réponse, êtes-vous sûr de votre fait ou encore hésitant,
Voyez l'autre et les autres, ensuite..
Comment se tiennent-ils? en avant, en arrière, sur un côté, sur l'autre,
Vous paraissent-ils concernés par le sujet, attentifs et ouverts à votre retour, prêts à vous aider,
Vous semblent-ils au contraire peu impliqués, ou déjà hostiles et prêts à vous enfoncer,
Pensez-vous qu'ils soient décontractés car c'est à votre tour de parler, ou méfiants car leur tour viendra,
Lorsqu'on pratique cet exercice pour la première fois, on peut être un peu chancelant..
Au début, il n'est pas toujours évident d'ingérer la question d'une part et d'observer la scène - c'est-à-dire soi-même et les autres - d'autre part, ce simultanément. Aussi, on peut morceler, discrétiser. Par exemple, se concentrer sur les faits et gestes d'autrui (par l'observation) et tenter de se mettre à leur place (par la réflexion), ce tant que l'on n'est pas pris pour cible. Concernant ces deux pans de l'exercice appliqués à soi-même, on peut les pratiquer dans les premiers temps a posteriori, c'est-à-dire en se remémorant la scène une fois la réunion terminée. Qu'ai-je dit? Comment me suis-je senti? Étais-je alors dans une bulle qui m'empêchait de voir les autres ou bien pouvais-je encore distinguer avec justesse les comportements et les réactions d'autrui?
Mais revenons à nos moutons... L'auditoire attend, vous ne pouvez pas vous dérober, qu'allez vous répondre? Et vous êtes-vous déjà interrogé sur les choix multiples qui s'offrent à vous?
Et pour commencer, avez-vous simplement remarqué que vous aviez le choix (du roi)?
Cette question est centrale sur le chemin de la compréhension et de l'acceptation de soi et d'autrui.
Le choix sur la forme, évidemment, tout de suite ou plus tard, concis ou foisonnant de détails,
Le choix sur le fond, probablement, vos idées vous sont propres
Mais également le choix de ne pas répondre.. celui-ci, on l'oublie plus souvent!
Voici donc un formidable constat: révélation pour certains et n'en déplaise à d'autres..
Rien ne vous oblige, sinon vous-même. Vous êtes libre de répondre, ou pas, de dire non, ou je ne sais pas, ou bien encore ce que bon vous semble!
Pour s'en convaincre, un petit exercice pour les plus joueurs et les plus assidus..
Vous êtes devant votre ordinateur ou votre téléphone, vous recevez un message urgent, Vous ne répondez pas.. Que se passe-t-il? Idem et plus dur à la fois.. pour les non initiés!
Vous êtes en réunion, on vous adresse la question-peau-de-banane-qui-tue, Vous ne répondez pas.. Vous observez simplement l'assistance.. Que se passe-t-il?
N'inventez pas, essayez plutôt, une fois, deux fois, et partagez avec nous votre réponse!
Et je dois bien avouer qu'il (comme tant d'autres!) nous (comme tant d'autres!) est devenu bien utile.
Indispensable? Je vais en faire sourire certains.. Madame, du moins.. Mais, indispensable, c'est non!
Avez-vous déjà fait la vaisselle?
Avez-vous déjà fait la vaisselle après un grand repas?
Avez-vous déjà fait la vaisselle après un grand repas de famille ou d'amis?
Avez-vous déjà fait la vaisselle après un grand repas en famille ou entre amis?
En famille ou entre amis, c'est facile. Je pousse le bouchon, c'est plaisant!
En famille ou entre amis, il y en a toujours pour se dévouer et les autres pour s'en réjouir.
En famille ou entre amis, cela se fait, sans trop de casse, avec le sourire et avec grand plaisir.
A deux, par exemple, on débarrasse, l'un fait la vaisselle, l'autre l'essuie, et puis on range, hop, c'est fait!
Et bien voici une leçon clé de management.
Lorsqu'un projet bat de l'aile,
Que le budget explose,
Que les délais ne sont plus tenus,
Que tout le monde se dit surchargé,
Que l'on ne sait plus par quel bout le prendre,
Repensez à vos repas de famille (lorsqu'ils ne sont pas douloureux!) ou bien entre amis..
Que se passerait-il si tous les convives se ruaient en cuisine?
Qu'ils soient doués ou pas,
Qu'ils y mettent du leur ou pas,
Qu'ils s'activent ou gardent les mains dans le dos,
Rien n'y change, ce serait quoi qu'il en soit une catastrophe!
Et voici une problématique managériale proprement illustrée, et que ça brille! Et voici maintenant, de la théorie à la pratique, du rêve à la réalité, le récit d'une success story!
The 4 heads monster, c'est la façon fort à propos dont une chef de projet américaine et désabusée décrivait l'organisation de la mission qu'elle co-dirigeait avec ces trois compagnons de galère. Depuis le sommet de la pyramide et à chaque étage de la hiérarchie, on voyait, côté client, un représentant business et un représentant informatique et, dans le miroir côté fournisseur, un représentant business et un représentant informatique également : soit quatre personnes, non pas pour le prix d'un (et c'est là une partie du problème), mais sûrement pour un même poste, pour un même défi !
Nous sommes en 2006 à Bruxelles, huit semaines avant le démarrage d'un projet de mise en place du système d'information SAP démarré huit mois auparavant. Tous les voyants sont au rouge, le mur et les pénalités de retard sont proches (25 millions d'euro par mois). Le comité de pilotage passe en mode "crise" et l'on m'appelle à la rescousse pour reprendre le flambeau. Circonstances obligent, je demande et j'obtiens carte blanche. Sur les effectifs de plus de deux cents personnes, je n'en retiens qu'une cinquantaine avec cette phrase désormais devenue célèbre pour l'entreprise et pour ses équipes projet: Tous les autres sont excellents mais ne servent à rien... pour l'instant. Du jour au lendemain, 150 personnes au repos forcé... pour recharger les batteries avant le grand jour! Pour les 50 restants, fi des étiquettes, une personne par poste, d'où qu'elle vienne ! Pas besoin de réorganisation savante, chacun sait très bien ce qu'il doit faire. Simplement, chacun est à présent seul en responsabilité à son poste, et ça change tout! Huit semaines plus tard, le bateau arrive à bon port...
Moralité: pour faire la vaisselle pour 200 couverts, mieux vaut ne pas être 200 en cuisine!
Note: les Anglais auraient peut-être préféré "DishWasher Management", mais cela ne sonnait pas très bien.. en Français!
Dans le cadre du management des organisations, la compétition et la coopération peuvent
être envisagées, d'une part, comme deux leviers techniques de motivation des équipes et, d'autre part, comme deux visions stratégiques avec lesquelles le dirigeant d'entreprise devra composer.
Que représentent-elles, sont-elles adaptées à tout type de situation,
peuvent-elles coexister et laquelle adopter selon les cas, voici l’objet de ce
billet, et le thème de l’Université Hommes Entreprises 2012, organisée
par notre ami Christophe de La Chaise, directeur du CECA.
Tout d’abord, comment définir la notion de compétition ? Qu’est-ce qui la caractérise ?
Qui dit compétition dit comparaison!
Il ne s’agit pas de faire « de son mieux » mais de faire « mieux que l'autre ».
Qui dit compétition dit adversité!
Le vocabulaire est manifeste; cet « autre » est tour à tour adversaire, opposant, rival.
Qui dit compétition dit règles du
jeu !
Ces codes permettent d’en garantir le bon déroulement et d’éviter tricheries et litiges.
Qui dit compétition dit arbitrage!
Afin de d’apprécier contestations éventuelles et résultat, on s’en remet à un tiers.
Qui dit compétition dit récompense!
Siège de toutes les convoitises, elle demeure souvent l’apanage
du vainqueur.
Qui dit compétition dit vainqueur !
Trompettes et tambours pour lui, larmes et désillusions pour
les vaincus.
Qui dit compétition dit dépassement
de soi !
L’appât du gain, quel qu’il soit, conduit à s’entraîner, à
repousser ses limites.
Qui dit compétition dit revanche!
Ce n’est que partie remise : le titre, le trophée
sera remis en jeu.
Qu’elle soit partagée (compétition par équipe) ou bien
solitaire (compétition individuelle), l’opposition (issue de la comparaison et menant à l'adversité) est probablement la caractéristique centrale de toute compétition. En cela, la compétition exacerbe nos instincts guerriers, darwiniens, de survie. Pour s’en convaincre, observons des compétiteurs sportifs de renom. Federer, Nadal, Djokovic, ne sont certes pas exempts de fair-play, bien au contraire... Mais, s'ils respectent l’arbitre, la règle du jeu et leurs adversaires, ils sont néanmoins assoiffés de combats et de victoires. Pour eux, chaque point perdu et de surcroît chaque défaite est vécu/e comme une petite mort, qu'ils redoutent plus que tout et qu'ils tentent donc d'éviter à tout prix en terrassant leurs adversaires! De même pour Teddy Riner, qui confie volontiers l'une de ses terribles recettes. Avant de croiser l’acier de ses bras sur le tatami, il prête en pensées des horreurs à ses malheureux adversaires, afin de faire monter en lui une forme de haine souterraine ("sportive" s'entend), mobilisant ainsi ses énergies les plus sombres qu'il libère dès l'instant où débute le combat! Enfin, avez-vous observé le regard exorbité de Laura Flessel, la splendide porte drapeau française des Jeux Olympiques de Londres 2012, lorsqu’elle remporte une victoire ?
Les prouesses mentales et techniques de ces athlètes, purs produits de la compétition, sont hors norme et illustrent combien la compétition, en tant que technique, peut être ‘terriblement’ efficace ! Tentons de le démontrer...
Le goût de la discipline, indépendamment de la façon dont on la pratique (compétition ou coopération) est à l'évidence l'une des sources les plus vives et les plus profondes de motivation. Au delà de toute récompense. Pour l'amour du jeu, dit-on. Mais qu'entend-on par jeu ? S'agit-il du but du jeu, qui lui est invariablement de gagner ? Ou bien le fait de jouer, d'avoir le beau geste, la bonne attitude ou tout simplement de s'amuser ? On entend dire parfois "seule la victoire est belle"... Qu'en pensez-vous ?
Tout le monde ou presque s'accorde à dire que l'on ne devient pas champion pour l'argent. Pour autant, ne devient-on pas champion, non seulement par amour du jeu (le fait de jouer), mais aussi et peut-être surtout par amour de la gagne (le but du jeu) ? Dès lors, on est en droit de se demander si ces grands champions seraient tout aussi brillants si ce n'était en partie pour la gagne. Le fait que le goût de la victoire (qui est une composante clé de la compétition) semble participer à l'efficacité du joueur, tend à démontrer combien la compétition en tant que technique, par la confrontation, peut être efficace.
Fort de ce potentiel d’efficacité, pourquoi donc la compétition est-elle parfois décriée ? Quelles sont ses limites, ses zones d’ombre ? Continuons notre round d'observation.
Les exemples précédents, de sportifs de haut niveau, ont été choisis à dessein au registre du folklore. Dans le registre militaire, là aussi, la compétition fait rage et les instincts de survie, et la gagne, sont exacerbés. Simplement, dans un cas les conséquences ne sont pas funestes, et dans l’autre elles le sont très souvent…
Regardons la société, Regardons-nous :
Compétition à l’école, où les élèves sont dits « bons» ou « mauvais» ou « moyens »
Compétition au travail, afin de décrocher
un poste, une augmentation
Compétition entre les nations, bras de fer économiques et militaires
Compétition à la plage et en cuisine, pour afficher un corps dit « parfait »
Compétition de sages et de singes enfin, pour définir le « vrai», le « bon», « l’utile»
Nous sommes à l’évidence gavés de comparaisons, de compétitions, d'étiquettes. Est-ce un problème? Se poser la question, n’est-ce pas déjà y répondre partiellement ? Examinons cela de prêt, en conscience. Pourquoi, si la compétition est une technique efficace, certains optent-ils pourla coopération ? Compétition vs Coopération.. Le match.. L'esprit compet' nous reprend.. Qu'importe, poursuivons!
La comparaison : Viser le titre de meilleur du monde ou œuvrer pour un monde
meilleur ?
L’adversité : Considérer l’autre comme un rival, un étranger, ou comme un partenaire, mon alter ego ?
Les règles du jeu : Pourquoi ce besoin de régence, de rigidité, si ce n’est pas peur de la liberté ?
Le juge arbitre : Se soumettre à la sentence d’un tiers ou bien exercer votre libre arbitre ?
La récompense : « Vouloir de l’avoir plein nos armoires » ou bien apprendre à donner ?
Le vainqueur : Tenter de tirer seul son épingle du jeu, ou bien œuvrer pour le bien commun ?
Le dépassement de soi : Se dépasser, oui, pour la bonne cause et pas au détriment des autres !
La revanche : Si pas de lutte, pas de revanche, et l’on peut continuer d’avancer
ensemble.
On
cherche des boucs-émissaires, partout, sauf en soi-même, pour soulager
sa conscience et participer, dans sa modeste mesure, à cette
compétition généralisée et destructrice. Regardons les crises, financières, socio-éco-no/lo, démographiques, etchno-culturelles, religieuses, humanitaires :
C’est la faute de la finance, du capitalisme pour les uns, d'un manque de règles et d’arbitrage communs pour les autres,
C’est la faute des riches, des spéculateurs, de Total, d’Areva
pour les uns, des chômeurs, des RMIstes, des assistés, du laxisme pour les autres,
C’est la faute de Sarkopour les uns, de Hollande pour les autres, tous pourris disent les derniers pour mettre tout le monde d'accord,
C'est la faute des islamistes, intégristes, musulmans, arabes, tunisiens, turcs, des prêtres, du pape, de l'Eglise, du préservatif, de l'avortement, des juifs, du hallal, de la burka,
C’est la faute de l’Europe, de Merkel, des Chinois, des
Qataris, des banlieues, des vieux, de 68, du gouvernement,
Vive la droite radicale, libérale, conservatiste, gaulliste, républicaine, régionaliste, nationaliste disent les uns, vive la gauche radicale, socialiste, républicaine,démocrate, communiste, anticapitaliste et vive tous les centres répondent les autres,
Ouvrons les frontières, disent les uns, devenons les Etats-Unis d’Europe, fermez-la et fermons-les disent les autres, revenons à la France de De Gaulle,
Augmentons le pouvoir d’achat pour les uns (en augmentant les salaires), accroissons la compétitivité pour les autres (en baissant les
salaires),
Conservons la retraite à 60 ans, les 35heures ce sont des acquis sociaux disent les uns, cela va nous tuer, halte aux communistes, disent les autres.
Si tout cela n’était que caricature, on pourrait en rire… Mais, Non! C’est bien comme cela que nous
pensons! Et c'est absurde! Heurtés par certains propos, sensibles à certaines causes, mais prompts à dégainer et prêts au lynchage public pour d'autres.. Tout de suite, juger, parfois sans rien y comprendre. Au final, dès lors que chacun a trouvé une cible, tout ou presque s'apaise, et l'on suit son
chemin, une vie morne et sèche. Que la cocote explose, on gueule un bon coup contre XYouZ. Le reste du temps, on
suit, le mouvement, le guide, l'air du temps, on consomme, on compétitionne, on mange, on boit, on dort,
on consomme, et on consomme encore. Pourquoi ? Pour le plaisir ? Celui de nos enfants ? On produit. Pourquoi ? Pour l’argent ? Enfin, il faut bien travailler, alors, on travaille... Comment ?
Comme le chef a dit… Etc. Etc. Etc.
Spectacle de désolation et, au bilan:
On parle de droits de l’homme, et combien d'affamés, sans toit, sans soin, juste ici et tout là-bas ?
On parle de paix dans le monde, et l’on construit toujours plus d’armes, sous couvert de sécurité… On abolit la peine de mort, et l'on augmente la taille des prisons...
On parle d’écologie, et la planète est une poubelle à ciel ouvert que chacun remplit et jamais ne vide…
On parle de ressources limitées, et l’eau et les énergies coulent à flots par nos robinets…
On parle de développement durable, et l’on change de téléphone et d'auto comme de chaussette…
On abolit l'esclavage, et sous combien de formes, plus ou moins déguisé, demeure-t-il d'actualité…
On parle de fin de crise, et l’on voit de
toute part "qu'elle est morte, qu'elle s'affaisse, la forteresse" …
On parle de nos enfantset que fait-on pour le éviter le casse-pipe ?
Le zapping. C’est ainsi que nous traitons, chaque jour, tant de sujets
tragiques qui nous émeuvent un instant, surtout lorsqu’ils fleurtent avec la sphère privée, puis qui s’éclipsent
de nouveau…
Nous en arrivons probablement au point d’achoppement de cette réflexion. Si nous
avons volontiers reconnu combien la compétition peut
être efficace en tant que technique, peut-être est-il temps d'admettre combien la compétitionpeut être nocive en tant que stratégie.
Dit autrement, la compétition comme mode de vie, ligne de conduite, ne mène
nulle part ou, plutôt, si malheureusement, elle mène au rejet de l’autre et des
autres, au conflit économique, écologique, social, politique, financier ou tout
cela à la fois parfois. Car la compétition est un conflit glorifié, élevé en principe, une rivalité
entre les hommes, les entreprises, les nations, à des fins parfois discutables
et, le plus souvent, par cupidité.
La compétition, c’estau mieuxun défi à soi-même, et au pire une arme de destruction massive. Il est difficile pour le chef d’entreprise de sortir du schéma mental dans lequel on l'a installé et dans lequel il se cantonne et se complet, en grommelant bien sûr ! Etre plus compétitif, lui a-t-on dit, plus gros, plus vite, plus loin… C'est votre survie qui en dépend. C’est pourtant absurde ! Et quand bien même il y parviendrait… Et quand bien même cela ferait sens... A quel prix pour
lui-même, pour ses équipes, pour ses concurrents ? Et combien de cadavres encore cuisants le long du
chemin et sur le champ de bataille ?
Car, du combat, nul ne sort grandi véritablement. Une fois passée l’ivresse
de la victoire, le vainqueur a toujours sur les mains le sang des vaincus et
l’envie d’encore; le vaincu, lui, n’existe plus vraiment jusqu’au prochain combat, rongeant son frein, animé par un sentiment de revanche, à
moins que le précédent combat ne lui ait déjà été fatal…
A l’école, pour les honneurs d’un lauréat, combien de bonnets d’ânes ? J’ai été premier de classe d’un bout à
l’autre de ma scolarité. J’ai été félicité, encouragé. Il m’a fallu constater, abasourdi,
gueule de bois, les ravages du système en séchant les larmes de mon jeune frère
humilié par certains de ses profs pour prendre la mesure du fossé qui sépare
les élèves les mieux notés du reste du troupeau !
Dans l’entreprise, et notamment dans les multinationales, du côté des dirigeants pour lesquelles je
suis donneur d’aide, comme du côté de leurs équipes, la compétition sévit, partout, tout le temps. Au seuil d’un niveau hiérarchique supérieur, miroir aux
alouettes, synonyme de hausse de salaire, de blackberry, etc. Pour un manager,
ivre promu dont l’ivresse ne dure que le temps de dessaouler, combien de jalousies,
d’employés se sentant niés par cette réussite (qu’avait-il/elle de plus que
moi ?), cette compétition qu’ils ont perdue, cette promotion d’autrui qui,
plutôt que de les réjouir, est vécue comme une insulte, un échec personnel ! Combien de dépressions s'ensuivent, combien dérapent et combien ne se relèvent pas ? A l'issue de ma première mission de conseil il y a une douzaine d'années, j'apprends que mon plus proche collègue de travail côté client, expert des prévisions de vente chez Peugeot, s'est suicidé après avoir été mis au placard comme seul remerciement de ses bons et loyaux services durant 35 ans de maison et deux années de projet sur les chapeaux de roue… Usure professionnelle ? Drame personnel ? On peut en parler,
lui est mort.
En politique, idem. Passé l’état de grâce pour le vainqueur, passée la petite mort pour le vaincu, chacun dévoile de nouveau ce que la compétition exacerbée a fait de
lui : un animal politique, en compétition permanente avec lui-même, avec ses partenaires et avec ses adversaires, d'un jour ou de toujours... Il prétend combattre à la régulière pour ses idées, mais il en est souvent devenu incapable ! Pourtant la politique est bel et bien un sacerdoce. Pourquoi donc cette démission sur le fond ? N’a-t-il rien d’autre à
faire que de se quereller sur la place public et sous les feux des projecteurs ? N'a-t-il pas la capacité intellectuelle de trouver avec les uns et les autres un terrain d'entente sur les questions de fond ? Certes si, mais, souvent flatté depuis le plus jeune âge et
de façon plus ostentatoire encore durant ses études, on lui a répété et il a vu que le
pouvoir se gagnait au couteau; au prix d’une lutte acharnée… Et il s’acharne. Et
la France dans tout cela ? Et l’entreprise ? Et l’école ?
Beaucoup y pensent, souvent pétris des meilleures intentions… Jusqu’à ce que
les rattrapent la compétition, encore et toujours, l’envie d’exister sur le devant de la scène,
l’envie d’exister tout court et les obligations du quotidien. Jusqu'à ce qu'ils découvrent aussi combien l'espace d'expression politico-médiatique est cadenassé. Beaucoup sont effrayés à l'idée de renverser la table des compétitions en tous genres et préféreront deviser à l'infini sans faire trop de vague et en surfant sur les actualités.
On voit combien il est difficile de quitter une vie de compétition et d'adversité, vers plus de coopération et d'altérité.
Enchaînés que nous sommes par nos vieilles habitudes, nous oscillons sans cesse entre accusations et résignation. Ceci nous empêchant de prendre notre part de responsabilité et d'action dans cette affaire.. "Responsable mais pas coupable", comme disait l'autre, et il avait probablement trouver là une belle formule! Il ne s'agit ni de s'en vouloir, ni d'en vouloir aux autres, ni de s'accabler, ni d'accabler les autres, mais de constater ensemble la faillite d'un système à notre image, et de coopérer à l'avènement d'un monde nouveau, issu d'une métamorphose du monde actuel, selon la formule d'Edgar Morin.
Un mot, en conclusion, sur les enfants.
On oublie trop
souvent qui nous sommes, ce que nous savions sans le savoir, dès l’enfance. On oublie le
jeu, le collectif, broyés par cette société, c'est à dire par nous-mêmes, par nos propres peurs d'être mis à l'index, de manquer de ceci ou de cela, par toutes ces étiquettes au travers desquelles nous nous représentons le monde, et nous nous présentons au monde. L'essentiel, pourtant, est ancré en chacun de nous. Perdons-nous en randonnée, tombons en panne et croisons un inconnu providentiel, soyons victime d'un accident d'autobus, d'une inondation, perdons un être cher, tout ce que nous savions rejaillit instantanément. Et nous nous recentrons. Pourquoi faut-il donc que la douleur nous agite pour que nous nous rappelions à l'essentiel ? J’habite à la campagne, en face d’une école et à quelques roues de vélo d'une crèche.
Chaque jour, j’observe, ému et ravi, reprenant espoir, tous ces enfants, les
vôtres, les nôtres. Avez-vous vu comment ils jouent encore
les uns avec les autres ? Comment ils s’esclaffent continuellement lorsqu’ils
sont entre eux et non dans nos griffes ? On a tant à apprendre d’eux. Si, pourtant et malgré tout, la fierté ou quelque vieille crainte vous empêche de poser sur eux, sur leur joie, sur leur liberté, un regard admiratif de telle sorte que vous retombiez vous aussi un tant soit peu en enfance, ne perdez pas espoir. Continuez d'observer, par vous-même, cela viendra... En attendant, et à défaut d'apprendre d'eux, du moins ne leur imposer votre vision du monde et le chemin que vous auriez voulu leur tracer! Appelons cela un geste d'amour... ou de coopération !
Ou comment éviter de faire voler en éclat une belle amitié au boulot!
La nouvelle est tombée! La voici promue, mon amie Catherine: directrice des achats - ça l'fait, non?! Elle le voulait, ce poste, elle s'en est donnée les moyens, elle l'a eu! Je suis si contente pour elle.... Bravo la miss, chapeau l'artiste, on va fêter tout ça toutes les deux au champagne rosé! Ça va changer la donne au boulot, fini d'être manager par ce ......... de Jean-Michel G.! Certes, il y aura sûrement des moments speed, m'enfin.. on saura gérer : on va la jouer entre filles! Pour moi ce type de poste? Ah, non merci ! Puis j'ai pas ce côté ambitieux.. Puis je suis bien comme ça!
Et le temps passe.. Et le temps passe.. Vous connaissez la suite ?
Catherine découvre les joies et les affres du management:
Son salaire s’accroît, sa part variable aussi, peut-être même bénéficie-t-elle d'actions! C'est la fête! Et c'est mérité, se dit-elle.. S'assure-t-elle que cet accroissement ne s'est pas fait au détriment des augmentations de son équipe?
Elle côtoie de nouvelles têtes, et d'anciennes sous un nouveau jour.. C'est grisant de se rapprocher des hautes sphères, amusant et flippant ce comité de direction.. Goûte-t-elle encore le temps d'un déjeuner avec ses troupes afin de garder le contact avec leur réalité?
Elle s'installe dans un nouveau bureau, rien que pour elle! C'est tout de même plus confortable et plus cosy que l'open space.. et plus près du big boss aussi! Pense-t-elle à la façon dont ce déménagement est vécu par ses ex-pairs.. fuite en avant? virage à droite?
La voici garante de la qualité de Leur Travail, là, ça rigole pas! Si ça dérape, c'est moi qui prend! Une sacrée responsabilité.. Y faudrait pas qu'ils déconnent ! Et donc du stress.. Dès lors, deux écueils: - soit elle ne délègue pas assez et cumule les mandats, retouchant ou - pire - faisant à la place de.. - soit elle met ses ouailles sous grosse pression, demandant des comptes (..de résultat?) à chaque instant..
La voici questionnée sur les conneries (supposées..) de ses coéquipières (!).. - hier, "confortablement" installée dans son job, dans lequel elle excellait, les (bonnes!) raisons pleuvaient; et chacune des miss pouvait démontrer par A+B ce pourquoi quelques erreurs couraient de ci de là.. - aujourd'hui, il faut répondre en direct sous les regards croisés et suspicieux des bien pensants; le doute s'insinue.. celle-ci n'est-elle pas totalement dilettante? celle-là ne se plaint-elle trop souvent ? l'écueil de la meilleure amie.. qui ne veut pas plaire, pas déplaire..
Saura-t-elle tenir bon, envers et contre tout, et défendre et rester proche de son équipe?
Si oui, elle a tout compris.. Si non, une vague Mushroom Management-esque la submergera probablement..
Si oui, l'amitié perdurera et l'équipe pourra réaliser de grandes et belles choses pour longtemps, Si non, la confiance tombera, l'amitié se délitera doucement et l'équipe, tôt ou tard, explosera.. On parie ?
Produire plus pour gagner plus, trois marques d'un groupe industriel international se lancent simultanément et sans concert dans trois projets d'innovation, sur trois sites de production donnés:
- l'un en Amérique du Nord, en miniaturisant la taille des machines et en accroissant leur nombre,
- l'autre en Europe de l'Ouest, en s'équipant de robots entièrement automatisés,
- le dernier en Afrique du Sud, en fermant deux usines au profit d'un site flambant neuf,
Responsable des "bonnes pratiques" entre les marques et entre les pays, me voici.
En terme d'équipement, tout le monde semble d'accord sur la nécessité d'investir. Alors on investit massivement : installation de machines ultra-perfectionnées, modèles réduits par ici, automatisés par là, etc. Seul le nombre de machines fait débat, ici ou là, soit la quantité de sel et son impact sur l'addition... Si la couleuvre ne se laisse pas toujours facilement avalée, fort heureusement pour eux, ces fournisseurs de jouets pour adultes ont à leur disposition une pléiade d'arguments-massues :
- la présence de leurs produits de luxe à la concurrence
- la convivialité pour les utilisateurs 'survivants' (on va y revenir..)
- l'intelligence de la machine et du système informatique associé, etc.
Projet validé! Non sans peine, l'installation des machines se fait, et les difficultés peuvent commencer.
De belles machines, il n'y en a jamais assez. Différents cas de figure classiques se présentent.
Cas n°1: parce que ces machines étaient géniales quoiqu'un peu cher, on en a acheté deux fois moins que le nombre de pétaudières dont on ne voulait plus, tendant ainsi le flux à l'extrême et menant à une perte de flexibilité par la création de nouveaux goulets d'étranglement. Solution: soit on bricole en conservant ces anciennes machines dont on espérait se séparer quelques mois plus tôt, soit on augmente la note en augmentant le nombre de ces machines géniales, quoiqu'un peu cher...
Cas n°2: l'investissement s'est concentré sur la partie du flux qui était la plus en peine. Imaginez une chaîne de fabrication comme quatre coureurs qui se donneraient la main. L'un d'entre eux était un âne, intelligent et docile, il avançait toutefois trop lentement au goût de ces partenaires. Voici qu'il est à présent un bolide mais, chaque fois qu'il développe fièrement sa puissance, il met son équipe, incapable de le suivre, au tapis. Solution: soit on renonce à utiliser son moteur à pleine puissance, soit on augmente la note en remplaçant les autres bestiaux par du haut de gamme...
Ces belles machines doivent être appréhender comme faisant partie d'un écosystème.
En terme de système d'information, votre fournisseur vous a juré, superbe présentation et demo à l'appui, que ses machines et le système informatique qui leur était associé parlaient la même langue (appelons celle-ci "l'anglais"), ce qui se fait de mieux en la matière (première? fécale? écrasé par le nombre de slides et d'informations techniques incompréhensibles, nul n'a alors osé demander..).
Malheureusement, si l'anglais est couramment utilisé dans le monde des affaires, dans le monde des systèmes d'information, l'usage est plutôt à l'abap (le langage développé par SAP, le leader mondial). Or l'abap est à votre nouveau parc système ce que le cyrillique est à l'anglais! Dès lors, vous entrez par le côté obscur de la force dans l'univers des interfaces... Et vous allez très vite le regretter.
Tôt ou tard, toutes les directions support (informatique, supply chain, organisation, finance) vont entrer dans des débats stratosphériques sous les yeux tantôt désespérés tantôt ulcérés de la direction opérationnelle à quelle sauce cette dernière, et ses utilisateurs finaux, vont être dévorés. Quel que soit le résultat final, pour sûr, du temps et de l'argent vont couler sous les ponts. C'est cela, la perte de contrôle, la dérive.
Un mot enfin sur le champ (de patates?) social, partie prenante de cet écosystème.
- certains souligneront que deux des trois projets sont probablement destructeurs d'emploi,
- les mêmes ou d'autres se demanderont si la survie des emplois restant est ou non à ce prix,
- les cyniques martèleront enfin qu'il faut payer les machines et que celles-ci ne font pas grève,
Ceci n'est pas sans faire tristement écho aux drames sociaux qui ont jonché la campagne (publicitaire ?) présidentielle et, plus gravement, qui sont le lot quotidien d'un nombre croissant de salariés. Rappelons ici notre credo: un projet ne vaut que par et pour les hommes qui s'unissent pour le mener à bien.
Dès lors, l'investissement dans le capital humain ne devrait plus s'entendre comme variable d'ajustement mais bien comme orientation stratégique, vers un monde plus solidaire, dans lequel l'entreprise ne convoite plus le titre de meilleure du Monde mais de meilleure pour le Monde, et ses habitants.
Plutôt que d'en débattre longuement, voici les faits, matière à réflexion.
* Savez-vous combien de salariés sont menacés par ce deuxième projet d'innovation ?
- Près d'un tiers des effectifs, soit près de cent personnes.
* Et savez-vous pourquoi ce projet dit se faire à effectif constant ?
- Parce que ceux-ci seront remplacés par d'autres types de salariés.
* Et pensez-vous que ces derniers soient aussi bien payés que les précédents ?
- Certes non.
* Et dans quelle proportion pensez-vous que ces nouveaux arrivants seront moins payés ?
- Suivant un rapport de un à dix !
* Mais comment est-ce possible vous demanderez-vous ?
- Parce que ces fameux robots, qui ne nécessitent aucune qualification particulière pour être mis en fonctionnement, permettront de recruter les futurs salariés auprès d'un organisme public d'insertion pour adultes handicapés, et de bénéficier d'une aide gouvernementale substantielle liée à ce type d'emploi, ou comment être aussi compétitif en Europe de l'Ouest qu'en Europe de l'Est!
Projet économiquement viable ? Peut-être..
Projet socialement défendable ? Question de point de vue..
Projet qualifié de visionnaire par les dirigeants qui espèrent l'étendre à d'autres entités du groupe..